I.
La nuit tombait sur le village de Toal. Un feu avait été allumé sur la place du village. Quelques personnes s'étaient réunies. Un vieil homme fumait un calumet en regardant vers le feu.
"-Papy! Papy! Raconte-moi une histoire!"
"-Calme-toi mon petit. J'arrive. T’ai-je déjà raconté comment le village s'est créé?"
"-Non Papy. Raconte-moi!"
"-Très bien. Cela remonte à presque 200ans en arrière, lors d'une après-midi ensoleillée et tranquille..."
***
200ans plus tôt...
"-On va l'avoir! On va l'avoir!" Encouragea un chasseur.
"-Je te suis!" S'écria son partenaire.
Ils redoublèrent d'effort pour poursuivre leur proie. Celle-ci, un cerf, courait dans la forêt à toute vitesse. Il sautait les branches mortes et les arbustes d'une très grande facilité. Le cerf entrevit son point de fuite. Il arriva à une cascade. Par chance, il réussi à la traverser grâce à un arbre mort, qui faisait le lien entre les deux berges. Voyant dans ce passage une opportunité de tuer leur proie, l'un des chasseurs utilisa son arc et visa. L'animal poussa un dernier cri avant de tomber dans la rivière. Le deuxième chasseur se jeta à l'eau pour aller le récupérer. Il le tira jusqu'à la berge, où son compagnon l'aida à le sortir de l'eau.
"- Quel proie! Nos femmes seront contentes!"
"-Je ne te le fais pas dire. Bon, à qui est-ce que revient l'honneur de le porter jusqu'au village?"
"-Normalement c'est ton tour."
"-Quoi? Je ne crois. Il y a deux jours, tu as sauté ton tour!"
"-Je ne m'en souviens pas." Plaisanta le chasseur.
"-Laisse-moi te rafraîchir la mémoire."
Le deuxième chasseur se chamailla avec son ami. Ils plaisantèrent plus qu’ils se battaient. Mais cette ambiance bonne enfant leur avait fait oublier leur environnement. Un ours affamé avait été attiré par l'odeur du cerf mort et par le bruit. L'ours observa la scène. Il y avait deux bêtes qui le séparaient de son repas. L'animal, pourtant peureux, décida d'attaquer devant les gestes plus ou moins agressifs des bêtes.
Les deux chasseurs avaient fini de se s’embêter. Il y en avait un au sol et l’autre par dessus, l'immobilisant.
"-Je crois que j'ai gagné!"
"-Derrière toi! Un ours!"
"-Mec tu pourrais faire plus original. On m'a déjà fait plus original."
"-Sérieusement! Fais gaffe!" Cria le chasseur au sol.
Le deuxième homme, ayant sentit la crainte de son collègue, se retourna. Il ne vit que trop tard l'ours. Par instinct, il protégea sa tête avec ses bras. Cela lui sauva la vie, du moins sur le moment, car il se reçu un grand coup de patte en direction de sa figure. L'homme roula sur la berge avant d'arrêter sa course dans un peu d'eau. Le deuxième chasseur tenta tant bien que mal de se relever et de dégainer un couteau en même temps. Seulement l’ours était plus rapide et plus fort que lui.
« -Merde ! Allez Réveille-toi mon frère! » Cria-t-il envers son collègue.
Mais ce dernier ne semblait pas vouloir bouger. L’Ours, enragé par les gestes de la bête, l’attaqua. L’humain offrit un peu de résistance, mais il allait rapidement flanché. Soudain, une musique se fit entendre à travers les arbres. Elle était douce, calme, tranquille. *Ca y est, c’est la mort qui vient me chercher* Pensa le chasseur. Cela était faux, car l’Ours ne l’attaqua plus. Il grogna mais recula, ce qui permit au chasseur de ce relever. La musique semblait plus proche que lorsqu’il était au sol. L’homme se tourna vers la provenance du son. Un homme inconnu était en train de jouer dans une petite flûte. Il observa ensuite l’Ours, qui semblait être calme. Le musicien continuait de jouer tout en avançant. Puis, arrivé à hauteur du chasseur, s’arrêta de jouer et dit :
« -Allez enfuis-toi ! »
L’Ours, qui semblait avoir compris le message, s’en alla à travers les arbres. Le chasseur observa la fuite de l’animal avant d’observer l’homme qui venait de lui sauver la vie. Il était impassible, calme. Lorsqu’il tourna la tête, il sourit au chasseur avant de lui indiquer de la tête la rivière. Ce dernier, revenant à la réalité de l’instant se précipita vers son ami. Il était bien sonné et saignait au niveau de la joue et du bras. Mais concrètement, il était en vie. Le chasseur appliqua des bouts de tissus sur les plaies et dit :
« -Il faut retourner au village pour chercher un guérisseur ! »
« -Ou est votre village ? » Demanda le musicien.
« -Un peu plus au nord. »
« -D’accord. Prenez votre proie, je m’occupe de votre ami. Je vous suis. »
« -Merci infiniment monsieur. »
« -Remerciez-moi quand votre ami sera tiré d’affaire. »
Ils prirent chacun leur affaire et marchèrent aussi vite qu’ils pouvaient vers le village. Le chasseur, plus endurant que le musicien, l’avait légèrement distancé. Il alla donc chercher sa femme dans sa hutte. Après une rapide explication, elle le suivit jusqu’à l’entrée du village, où le musicien venait à peine d’arriver. Il posa le second chasseur au sol et recula. Il souffla un instant. La femme du premier chasseur commença immédiatement les soins. Une petite foule s’était formée autour de l’événement, prêt à aider.
« -C’est profond mais réparable, dit-elle. Il a perdu beaucoup de sang. Son âme n’a pas été touchée, c’est un bon point. Il n’a besoin que de soins physiques. Transportons-le chez lui ! Je le soignerai sur son lit. Il me faut de l’eau et des serviettes ! » Ordonna-t-elle à la foule.
Tout le monde savait quoi faire. Personne ne se marchait sur les pieds. Le partenaire du chasseur resta avec le musicien et l’invita dans sa hutte. Ce dernier ne refusa pas de s’asseoir et de boire un peu. Le chasseur, même inquiet, resta auprès du musicien. Il n’allait pas le laisser seul alors qu’il venait probablement de lui sauver la vie et celle de son ami.
« -Ce soir, vous mangerez avec nous. Je ferai cuire ce cerf en votre honneur ! » S’exclama le chasseur.
Le musicien répondit d’un geste de tête et l’homme de Toal alla voir comment s‘en sortait sa femme. La guérisseuse était en train de porter les soins. Elle transpirait beaucoup. Même si elle n’avait pas à soigner l’âme du blessé, elle devait utiliser ses pouvoirs pour refermer les plaies. Elle aurait pu le faire avec du fil mais l’urgence de situation lui avait fait prendre ce choix. De petites orbes vertes, semblables à des paillettes, sortaient des mains de la guérisseuse et tournaient autour de la blessure. Petit à petit, la blessure se réduisit. Une fois celle-ci assez refermée, elle arrêta son geste, car elle était épuisée. Elle prit une grande respiration avant de panser la blessure. Elle voulut se relever mes ses jambes refusèrent. Son mari vint alors l’aider à se lever. Ils quittèrent la chambre pour aller dans la pièce principale. Là se trouvait la femme du blessé.
« -Ton mari a besoin de repos. Tu t’en sortiras toute seule ? »
« -Oui, merci beaucoup. Tu as besoin de repos. Je panserai à nouveau ses plaies demain matin. Va manger et te reposer. »
La guérisseuse acquiesça l’ordre de l’autre femme, guérisseuse également. Le chasseur ramena sa douce chez lui. Elle marchait tranquillement en s’appuyant sur son bras. L’homme se demanda si le musicien s’était en allé ou non. Il voulait tellement le remercier. Lorsqu’il arriva dans sa hutte, le musicien ne s’y trouvait pas. *Mince, où a-t-il bien pu aller ?* Se demanda le chasseur. Il laissa sa femme se reposer et partit en quête de son sauveur. Il marcha prestement dans le village. Soudain, il entendit de la musique. C’était exactement le même instrument que dans la forêt. *Ça ne peut être que lui*. Il se fit à ses oreilles et se laissa guider dans le village. Il arriva sur la place principale. Le musicien s’y trouvait. Mais il n’était pas seul. Une troupe d’enfants se massait autour de lui. Ce dernier jouait de sa flûte, pour le plus grand bonheur des enfants. Le chasseur, ne voulant pas interrompre ce moment, retourna vers sa hutte et commença à préparer le cerf. En se concentrant, il arrivait à entendre le musicien jouer. Les sons lui firent le plus grand bien et l’apaisa. Même s’il était inquiet pour son ami, il ne ressentit plus aucun stress et son corps se détendit. Le musicien changea plusieurs fois d’instruments. Cela décrocha des « Oh ! » et des « Ah ! » chez les enfants. La nuit commençant à tomber, les enfants commencèrent à partir. Le chasseur revint vers la place, s’avança vers l’homme et lui dit :
« -Vous êtes quelqu’un d’un très grand réconfort. Je ne me suis pas sentit aussi apaisé depuis très longtemps. »
« -Ce n’est que ma modeste musique. Je voulais occuper les enfants, pour ne pas qu’ils voient votre ami blessé. Comment va-t-il ? »
« -Il a besoin de repos, mais grâce à vous, il est sortit d’affaire. Je vous dois une reconnaissance éternelle. »
« -Ce n’est que trois fois rien. Je me suis trouvé ici par hasard. »
« -Venez me raconter tout cela autour d’un bon repas. Vous êtes mon invité !»
« -Ce n’est pas de refus. »
***
Le vieil homme tira une longue bouffé de fumée. Il la recracha dans le ciel. L’enfant, qui avait suivis l’histoire depuis le début, s’impatientait de la pause du narrateur.
« -Que s’est-il passé ensuite ? Dit-moi Papy ! »
« -Il est tard mon enfant. Je te raconterai la suite demain soir. Maintenant va te coucher. »
« -Papy, avant d’aller dormir, dis-moi : Pourquoi la femme du blessé n’a-t-elle pas aidé la guérisseuse ? Tu as dit qu’elles étaient soigneuses toutes les deux. Je ne comprends pas. »
« -Vois-tu mon petit, deux personnes ne peuvent secourir une même personne en même temps. Chaque guérisseur a une magie différente. Et si on additionne ces magie sur une seule personne, cela peut lui causer plus de mal qu’autre chose. Comprends-tu ? »
« -Oui, en fait, la personne qui commence à soigner quelqu’un s’en occupe jusqu’au bout. »
« -C’est exactement ça. Maintenant va dormir. »